Jäxon était venu au monde par une froide nuit de janvier. Pourtant, entre les murs du petit château de la famille Alekseì, il faisait bon vivre. Personne ne s’inquiétait pour la vie du nourrisson, qui ne manquerait jamais de rien pour satisfaire ses besoins. Lorsque son père apprit qu’il héritait d’un nouveau garçon, il était fou de bonheur. Son cœur se gonfla de fierté lorsqu’il pensait au futur, à lui et ses deux garçons régnant avec une main de fer sur ses terres.

« Comment souhaitez-vous l’appeler, mon mari? » le questionna sa femme, le souffle court, le corps encore secoué de tremblements et habillé d’une fine couche de sueurs.

« Il sera Jäxon Beckham Alekseì, nommé après son grand-père, » répondit-il de sa voix tonnante, avant que les félicitations fusent dans la vaste chambre à coucher.

Alexandre, le premier fils, fit résonner sa voix aigue pour attirer l’attention de ses parents. Âgé de sept ans, il voulait lui aussi voir son petit frère qui avait créé une véritable tempête. Son père lui sourit, car malgré son statut de noble et ses grandes responsabilités, il aimait sa femme et ses fils du plus profond de son cœur, et prit son ainé dans ses bras. Ils s’approchèrent du lit, où ils s’installèrent près d’Aglaée sur des couvertures fraichement changées. Ils se penchèrent tous les trois vers le petit poupon, qui, comme s’il avait sentit toute cette attention, ouvrit lentement ses grands yeux bleus.


Le bruit claquant de la peau contre la peau résonna dans la chambre de Jäxon. À chaque claque sur son fessier maintenant rougit, le jeune garçon de cinq ans faisait de son mieux pour retenir un couinement de douleur. Il était certain que son père n’en serait pas fier et qu’il allongerait sa sanction pour espérer que son fils devienne un jour un homme. Son père, lorsqu’il délivrait claque après claque, ne pipait pas un mot. Il criait avant, empoignait ensuite, livrait la punition puis repartait en glissant un ou deux ordres. Comme maintenant, alors qu’il relevait Jäxon d’une main en agrippant son pantalon de l’autre pour le lui rattacher, il se mit à lui parler très doucement.

« Repose-toi, à présent. Après tout, tu monteras un cheval pour la première fois après le dîner. »

Le petit de cinq ans ne répondit rien, et regarda son père quitter sa chambre avec un regard inexpressif. Ce n’était pas la première fois qu’il subissait la colère de son père, mais à chaque fois, ça lui laissait un goût d’amertume sur la langue. Après tout, le paternel était un homme bon, généralement, mais lorsqu’il entrait dans une période de colère… valait mieux ne pas se trouver en travers de son chemin. On pouvait même sentir la magie crépiter de lui, lui donnant un air encore plus imposant.

Avec un soupir, il se laissa tomber sur son lit beaucoup trop grand pour lui. Il avait hâte d’apprendre à faire du cheval, mais il avait encore plus hâte d’en apprendre plus sur la magie. Ses parents et même son grand frère avait démontré des prouesses magiques. C’était dangereux, lui avait-on dit, de parler de sorcellerie. Ils avaient beau être une importante famille, rien ne les sauveraient s’ils étaient dévoilés. Il ne comprenait pas d’où venait cette phobie des gens sans pouvoirs de vouloir exterminer ceux qui en possédaient. La jalousie, mêlée à la peur, sans doute. Décidant de laisser toutes ces histoires de côté, Jäxon s’installa plus confortablement sur son oreiller de plumes et s’endormit, les fesses toujours brûlantes de son récent châtiment.


Maintenant âgé de dix ans, le petit dernier de la famille Alekseì était très heureux de partir en voyage avec sa mère. Il se savait encore trop jeune pour participer aux politiques de son père, mais il était toujours excité lorsque sa génitrice lui demandait de l’aide. Il avait été bien avertit de ne pas mentionner la sorcellerie, puisque les gens qu’ils allaient rencontrer ne comprendraient pas, et qu’ils réagiraient face à la peur. Ça attristait beaucoup Jäxon, qui avait eu vent des projets qui l’attendaient lorsqu’il atteindrait l’âge de quatorze ans. Une école de magie, nommée Hogwarts, avait ouvert ses portes. Un sorcier qui connaissait les Alekseì était venu les rencontrer pour leur en parler, et inviter le plus petit à rejoindre l’école une fois qu’il serait assez vieux. Depuis, il bouillonnait de questions, questions qui restaient souvent sans réponse puisque ses parents et son frère ne connaissait pas encore très bien l’établissement. Alors, il se plaisait à imaginer ce qui l’attendait. Il essayait de deviner ce qu’on lui apprendrait, les outils qu’il aurait en main pour plus tard découvrir lui aussi pleins de facettes magiques. Déjà à son âge, Jäxon avait de grands projets pour lui-même, avec en son sein, la découverte de toujours plus de magie. Et aussi, la cessation des hostilités des non-magiciens face aux sorciers.

Peut-être était-ce dû à son excitation, peut-être était-ce dû au fait que ses pensées étaient tellement tournées vers la magie, mais quoi qu’il en soit, sa première prouesse magique décida finalement à se révéler. Sur le coup, il était inconscient des conséquences qu’elle aurait sur la situation présente de sa mère et lui, puisqu’il était extatique d’enfin faire de la magie.

« Mère! » hurla-t-il, les yeux gros comme des soucoupes.

Il faisait voleter tout autour de lui la farine qu’il avait prit dans ses mains. Les sacs environnants commençaient aussi à laisser son contenu s’élever dans les airs. Seulement, lorsqu’il vit le visage horrifié de sa mère, son expression émerveillée disparut et il fronça les sourcils. Sa mère s’avança rapidement vers lui, paniquée, puis son expression devient soudainement colérique.

« Tu es le pire petit garçon qu’une mère n’a jamais eue, » lui siffla-t-elle d’une voix froide, avant de le gifler.

L’effet fut instantané chez Jäxon. Ne comprenant pas la réaction de sa mère, il éclata soudainement en sanglots et recula de quelques pas. Aglaée ne le regardait déjà plus, portant plutôt son regard à nouveau horrifié sur quelque chose derrière elle.

« Pourquoi faites-vous cela, mère? » pleurnicha difficilement le garçon, une main sur la joue.

« SORCIÈRE! » hurla soudainement quelqu’un, faisant sursauter le garçon qui se retourna vivement. « Je viens de la voir tenter d’enterrer ce petit vivant sous de la farine! Il est terrifié![/color] » continua l’affreuse vieille dame.

Affreuse, elle le resterait toujours dans les souvenirs de Jäxon. Elle serait toujours celle qui avait dénoncé sa mère, celle qui annonçait sa mort et le hanterait dans ses cauchemars. Il se retourna brusquement vers sa mère, qui lui fit un sourire contrit et semblait lui dire à travers un regard qu’elle était désolée et qu’elle l’aimait. Puis, il fut saisit sous les bras par un homme et deux autres se jetèrent sans ménagement sur sa mère.

« COUPABLE! » crièrent d’une même voix meurtrière les hommes.

Après cela, tout ce passait très vite. Les images se formaient et se déformaient, montrant les pires souvenirs de cette éclatante journée de ce 14 juin 1006. La première était une forte pression sur sa main. Lorsqu’il relevait ses clairs yeux bleus, il croisait les prunelles vertes et mouillées de son frère. Ensuite, c’était l’image d’un torrent d’eau qui se déversait du bleu de ses yeux, remplissant très rapidement la salle glacée qui avait proclamée la sentence de mort de sa mère. Il voyait tout le monde mourir noyé par sa peine et sa colère, mais la personne qu’il voyait suffoquer, c’était Aglaée Evelyn Alekseì. Puis, une lumière vive entourait sa génitrice, jusqu’à devenir d’énormes flammes. Elles semblaient absorber toute l’eau, tout le décor pour le transformer, laissant place à un bûcher et une foule hurlante. Pas si hurlante que sa mère, toutefois, qui, léchée par les flammes, se déchiraient les cordes vocales. Son père, son frère et lui étaient en contact les uns envers les autres, les yeux rougis et incapable de détacher le regard de ce spectacle macabre. Enfin, le visage effrayant de la vieille dame apparaissait devant lui, lui offrait un sourire avec des dents manquantes, avant de lui souffler son haleine puante en plein visage.

« Elle s’est sacrifiée pour toi, petit garnement. As-tu comment elle souffre, par ta faute? Tout ça parce que tu es un horrible petit monstre, » jacassait-elle de sa voix criarde, au grand déplaisir de Jäxon.

Et sur son rire effrayant, le sorcier se réveillait brusquement en sueurs. Il se retient de justesse pour ne pas hurler à son tour, alors que ses alentours prenaient lentement formes autour de lui. Il était dans son dortoir, à Hogwarts. Avec un gémissement, il se laissa retomber sur son matelas en portant une main à son cœur affolé.

Quatre années s’étaient écoulées depuis la mort de sa mère. Le chemin avait été difficile, mais il avait réussit à passer au travers, tout comme son père et son frère. Seulement, la vie n’était pas comme autrefois dans la famille des Alekseì. Depuis que Jäxon avait raconté à ses aînés ce qui s’était réellement passé la journée où sa mère avait été arrêtée, son père ne le regardait plus de la même façon. Il avait beau savoir que ça n’avait pas été intentionnel de la part de son jeune fils, mais il ne pouvait empêcher le ressentiment qu’il ressentait jusque dans ses tripes. Il avait donc demandé encore plus du jeune garçon, avec la vision que si sa femme adorée était morte pour lui, Jäxon deviendrait un puissant sorcier avec une carapace imprenable.

Jäxon secoua la tête en réalisant à quel point son père avait atteint son but. Naturellement, on pouvait repasser en ce qui concernait être un puissant sorcier, toutefois, il y travaillait. Il aspirait à des grandes choses, l’ambition de découvrir et changer les choses bouillonnant à l’intérieur de lui. Concernant la carapace, son père avait déjà réussit à dépeindre parfaitement le tableau. Jäxon ne laissait que rarement ses émotions se dessiner sur son visage, préférant la nonchalance et un brin d’arrogance. Mystérieux, il était loin du petit bonhomme déportant de joie et d’énergie. Il avait emprisonné son cœur derrière une muraille de pierre, regardant la vie d’un œil critique et désintéressé. Il jugeait beaucoup, et n’avait aucun problème à faire ses remarques désobligeantes devant la personne concernée. Certains l’auraient certainement qualifié de détestable, mais il préférait se concentrer sur lui et ses objectifs plutôt que sur les autres. En classe, Jäxon était un élève modèle avec sa mémoire phénoménale et son amour de l’apprentissage. Il voulait toujours en savoir plus, ayant parfois l’impression d’être sujet à la déshydratation de son esprit s’il n’arrivait pas à trouver réponse à toutes ses questions. Il était déterminé à aller loin, sachant pertinemment qu’il avait tout le potentiel pour y arriver. Il se jetait avec corps et âme dans ses travaux, lorsqu’il n’était pas entouré de ses nouveaux amis.

Sa première année à Hogwarts c’était très bien déroulé, et il se plaisait à penser que ça ferait plaisir à sa mère de le voir autant comblé. Il avait quelques amis proches, avec qui il avait réussit à s’ouvrir tranquillement. Comme lui, ils pensaient que les moldus étaient exécrables et croyaient que le sang pur des sorciers était dès plus importants.

Naturellement, de telles pensées leurs avaient amenés quelques ennemis dans les autres maisons. Seulement, en toute sincérité, l’esprit rebelle du jeune Jäxon n’en était que très peu affecté.




Pour la troisième fois de sa vie, l’opinion de son père à son sujet venait de changer. Cette fois-ci, il percevait le plus jeune de ses deux fils comme une victime. Encore une fois, la fatalité de la vie avait frappée, alors que le patriarche avait surprit son fils dans une position des plus… compromettantes. Pour lui, toutefois, la réponse était simple. Un homme, le meilleur ami de son fils aîné, avait violenté Jäxon. Il avait put voir la douleur, la haine et le dégoût traverser le visage de son père lorsqu’il était entré dans la chambre du jeune garçon pour lui parler. Sans attendre et dans sa colère, il avait envoyé plusieurs sortilèges pour blesser l’amant de Jäxon, qui avait été trop pétrifié pour bouger un muscle. Il avait regardé, sans dire un mot, alors qu’on avait chassé Joshua de Painswick en le traitant de tous les noms, en le frappant, en lui crachant au visage, en lui lançant des sortilèges sans cesse. Jäxon ignorait comment l’homme avait fait pour s’enfuir avant que les sorciers ne réussissent à le tuer. Peut-être que dans leur colère noire, ils avaient oubliés les rudiments de la magie. Quoi qu’il en soit, Jäxon avait regardé, horrifié, alors qu’il perdait la personne qui le faisait se sentir vivant, en même temps que terriblement sale.

Son père et son frère, après cette nuit perturbante, avait tenté d’être plus compréhensif et plus aimant envers Jäxon, croyant qu’il devait traverser une dure période. Jamais on ne lui avait demandé s’il avait vraiment été violenté, ou s’il avait était consentant de cet amour inacceptable. Lorsqu’on le voyait, la mine basse, on ne lui demandait pas s’il s’ennuyait de Joshua, on pensait simplement qu’il était tourmenté par d’horribles souvenirs. Et Jäxon ne s’en retrouvait que plus dépressif, plus écoeuré de lui-même. Il en était même venu à détester Joshua, qui malgré son exil, l’avait convaincu que leur attirance n’était pas anormale. Il se détestait aussi pour avoir été assez naïf pour le croire, pour se laisser embarquer dans un tourbillon de sentiments qu’il aurait préféré ignorer. Il était souillé, sale et abominable. Sa mère n’était pas morte pour qu’il tombe aussi bas, et pourtant, il ne pouvait empêcher ses souvenirs de rester vifs dans sa tête.

Il allait bientôt retourner à Hogwarts pour commencer sa deuxième année dans l’école de sorcellerie. Là, ses méfaits se feraient oubliés, cette histoire serait mise de côté. Il s’était lui-même forcé à oublier cette amourette, son attirance anormale pour le même sexe que lui. Il allait retrouver ses amis, sa future fiancée, que son père avait trouvé durant l’été. Il se répétait souvent qu’il était jeune, qu’il avait beaucoup à apprendre et que la mort de sa mère l’avait amené à un certain degré de folie. Mais il en reviendrait, car il ne tomberait plus jamais dans les bras d’un autre homme. Jäxon avait beaucoup trop à faire dans ce monde pollué de moldus, il avait beaucoup trop à apprendre.

Naturellement, il ne se serait jamais douté qu’il briserait ses belles promesses en tombant à nouveau sous le charme de l’interdit. Un jeune garçon rival à lui, qu’il mépriserait tellement qu’il finirait par aimer.